LIBÉRAUX (Grande-Bretagne)

LIBÉRAUX (Grande-Bretagne)
LIBÉRAUX (Grande-Bretagne)

LIBÉRAUX, Grande-Bretagne

Les libéraux britanniques représentent l’une des grandes forces politiques du Royaume-Uni. Héritiers des whigs, ils reçurent leur nom de baptême en 1847 seulement. Vers cette époque, l’aile la plus avancée, souvent qualifiée de radicale, déborde définitivement la fraction la plus modérée que représentent encore les héritiers de vieilles familles aristocratiques. La relève est le fait de bourgeois, férus de liberté économique, défenseurs ardents de toutes les libertés, peu à peu convaincus de la nécessité de nouvelles réformes constitutionnelles et électorales. Chefs et militants se recrutent alors souvent dans les milieux religieux non conformistes et bénéficient de la sympathie des catholiques. Ce phénomène, lié à l’étroite alliance du conservatisme et des Églises établies, donne au programme primitif une couleur anticléricale; le combat libéral prend également la forme d’une lutte, vaine d’ailleurs, pour une complète séparation de l’Église et de l’État. Le parti trouve son équilibre définitif entre 1860 et 1870. Son nouveau chef, Gladstone, le rallie à la démocratie; apôtre de l’éducation populaire, de l’égalité des chances, de l’harmonie des classes dans le progrès économique, il obtient fréquemment, aux élections, le soutien de ceux des ouvriers enfin dotés du droit de vote. Une réforme interne aboutit, en 1874, à la fondation de la Fédération nationale libérale: dans chaque circonscription électorale, un comité local, inspiré du fameux caucus de Birmingham, et donc des idées de Joseph Chamberlain, sert de courroie de transmission entre la base et les dirigeants; une démocratie de parti peut être instaurée.

De 1867 à 1914, le Parti libéral alterne au pouvoir avec le Parti conservateur. Il connaît de dures épreuves. Le problème irlandais lui coûte la sécession, lors de la discussion du premier projet de Home Rule (1886), de son aile «unioniste» et des whigs. Les dissidents, regroupés derrière Joseph Chamberlain, vont faire alliance avec les conservateurs au point de ne plus guère s’en distinguer au début du siècle suivant. La crise sévère de l’économie capitaliste dans le dernier quart du XIXe siècle met à mal ses principes économiques, encourage le développement d’un mouvement socialiste, aboutit, au tournant du siècle, à la naissance du Parti travailliste. Baptisé officiellement en 1906, ce dernier cherche à recruter ses électeurs dans la masse ouvrière, non conformiste et catholique, qui constitue la clientèle traditionnelle du Parti libéral. Écartés du pouvoir de 1894 à 1905, les libéraux se redressent grâce à la qualité de leurs chefs, Campbell-Bannerman, Asquith, Lloyd George, mais aussi en profitant de la maladresse des conservateurs qui se rallient à un impopulaire programme de protectionnisme douanier. Les élections de 1906, marquées par des accords entre libéraux et travaillistes, valent aux premiers une écrasante majorité. Ainsi s’ouvre la période «radicale»: après la disparition de Campbell-Bannerman, Asquith dirige des gouvernements libéraux successifs, toujours homogènes, et qui réalisent un hardi programme réformiste, instaurant en particulier un premier système partiel de sécurité sociale (assurances-vieillesse, système de santé pour certaines catégories d’ouvriers, etc.). Lloyd George «fait la guerre aux lords», instaure de nouvelles taxes sur les revenus et les successions et, devant l’opposition de la Chambre haute, mène aux côtés d’Asquith une bataille constitutionnelle décisive qui aboutit en 1911 à la loi sur le Parlement; celle-ci ne laisse plus aux lords qu’un veto suspensif, ne permettant pas de modifier les lois financières, et limite à cinq ans la durée normale du mandat parlementaire; par ailleurs, les députés recevront une indemnité. Ayant eu besoin, après les élections de 1910, du soutien irlandais, Asquith fait voter le Home Rule en 1912. En matière internationale, le gouvernement libéral développe l’Entente cordiale avec la France, opère en 1907 une réconciliation avec la Russie et, en 1914, engage la Grande-Bretagne dans le conflit.

La Première Guerre mondiale voit deux Premiers ministres libéraux au pouvoir: Asquith, puis, à partir de la fin de 1916, Lloyd George. Mais ce dernier dirige une coalition qu’il doit à une alliance avec les conservateurs, et au prix d’une rupture avec la fraction fidèle à son prédécesseur et rival.

Au lendemain du conflit, le Parti libéral connaît un déclin précipité. Ses divisions internes, qui persistent en fait jusqu’en 1929, l’affaiblissent dans le combat électoral. Il a réalisé l’essentiel de son programme dès l’avant-guerre, et, n’ayant pas renouvelé sa doctrine, paraît fort pâle en comparaison d’un Parti travailliste dynamique. En 1923, pour la première fois, il cède la deuxième place, évaluée suivant le nombre de députés, aux travaillistes; il ne parviendra jamais à la reconquérir. Ses échecs éloignent les militants et poussent à la désertion des dirigeants talentueux, tel Winston Churchill. L’effort électoral qu’il fournit en 1929, à une époque des plus favorables puisqu’il retrouve alors son unité et bénéficie du soutien de jeunes économistes comme Keynes, n’est pas suffisant; la grande crise mondiale divise à nouveau le parti entre partisans et adversaires du protectionnisme. Ses adversaires travaillistes et conservateurs refusent obstinément, dans l’entre-deux-guerres, d’instaurer un scrutin électoral proportionnel qui lui aurait donné les chances de jouer un rôle de pivot.

Malgré la participation de libéraux aux gouvernements d’union nationale après 1931, puis à la coalition nationale de 1940 à 1945, l’après-guerre confirme les positions acquises. Aux diverses élections, le parti recueillera au maximum 3 millions de voix en 1964 (environ 11 p. 100 des votants), au minimum 720 000 en 1955 (moins de 3 p. 100 des votants); le nombre de ses députés oscillera de six à douze. Il ne lui reste que quelques fiefs plus ou moins solides, en particulier au pays de Galles et en Écosse. Le Parti libéral s’est vainement efforcé de dénoncer le mythe du bipartisme en essayant, après 1961, de donner l’image d’un mouvement jeune, moderne, très tôt ouvert aux perspectives européennes. Il parvient surtout, en particulier lors d’élections partielles, à s’imposer comme un «parti de contestation» et à rallier les voix de mécontents qui, lors d’élections générales, reviennent presque toujours à leur parti d’origine.

Il semble, bien que les pronostics en ce domaine soient hasardeux, que les libéraux soient davantage les héritiers d’un glorieux passé que les espoirs d’une jeune Angleterre de l’avenir. Ce constat se confirme à la suite des élections du 29 février 1974. Provoquées en pleine crise économique et sociale, elles avaient inspiré des pronostics très favorables aux libéraux. Leurs succès, réels certes — ils sont passés de 7,5 à 19,3 p. 100 —, ne sont pas à la mesure de leurs espoirs puisque les quatorze sièges acquis — au lieu de six en 1970 — ne leur permettent pas de jouer le rôle décisif qu’ils souhaitaient.

Les élections d’octobre 1974 marquent même un léger recul, avec 18,3 p. 100 des voix et treize sièges. Mais l’étroitesse de l’avance travailliste va faire des libéraux le groupe charnière de cette législature: l’appoint de ses voix est indispensable au gouvernement Callaghan à partir de 1977 et leur défection entraîne sa chute en 1979. Sous la direction de David Steel, le Parti libéral, qui ne dispose plus que de onze députés, s’efforce d’offrir au pays une image dynamique.

Pendant les cinq années de gouvernement travailliste, les libéraux sont au mieux confinés dans un rôle d’appoint et, si leurs voix sont indispensables à la survie du ministère Callaghan en 1978, le soutien du groupe parlementaire ne vaut au parti aucune satisfaction réelle. À la fin de la période, il est gravement atteint par un scandale où se mêlent crime et homosexualité et d’où leur leader, Jeremy Thorpe, ne sort pas politiquement intact. En 1979, ils se trouvent ramenés à un peu plus de 4 millions de voix, 1 million de moins qu’en octobre 1974, près de 2 millions de moins qu’en février. Les années 1980 ravivent leurs espérances: leur nouveau leader, David Steel, saisit en 1981 l’occasion que lui offre la naissance d’un Parti social-démocrate, constitué de transfuges du Parti travailliste pour former avec lui l’Alliance qui rallie un quart des suffrages en 1983. Pro-européen, fédéraliste, comportant une forte minorité écologiste et antinucléaire, le Parti libéral a introduit bon nombre d’idées neuves sur la scène politique. Mais en juin 1987, après l’échec de l’Alliance, le Parti libéral fusionne avec certains membres sociaux-démocrates pour former, en 1988, le Parti des démocrates sociaux et libéraux (S.L.D.) ou Parti libéral-démocrate. Aux élections de 1992, les libéraux-démocrates, toujours défavorisés par le système électoral, obtiennent vingt sièges mais reculent de 4,8 points par rapport au score de l’Alliance en 1987. En mai 1994, la défaite du Parti conservateur de John Major aux élections locales profite surtout au Parti libéral-démocrate, dirigé par Paddy Ashdown.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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